Voilà comment Victor Guilbert se saisit du lecteur: par un tour de magie auquel on voudrait résister en s'abandonnant malgré tout au mystère du "truc". L'écrivain démarre sans bruit, sans effet de plume. Dès le prologue on est cueilli par un souvenir d'enfant et par l'évocation d'un village dont la douceur du nom se referme sur une obscurité menaçante, "Douve".
Un lecteur proustien nous fournirait sans doute une explication sur l'origine marécageuse et défensive de ce bout de route qui vient se perdre dans une nuit de sapins. Pour l'heure, on est sous l'emprise d'une voix d'enfant. Elle vient à la mémoire d'un flic avec celle plus lointaine encore de son père: "le gamin a Douve dans les veines."
Le flic s'appelle Hugo Boloren. C'est le goût de la "face cachée" qui a décidé de sa vocation. Peut-être aussi de façon plus triviale celui de s'inscrire dans les traces de son père. Un papa flic aux yeux duquel il avait du "Douve dans les veines". Son père est mort et sa mère souffre de la maladie d'Alzheimer.
Une coupure de presse va suffire à le renvoyer quarante ans en arrière. Un fait-divers banal, un meurtre à "Douve". Il demande un congé pour évacuer le questionnement qui le bouleverse. Quel rapport y'a-t-il entre ce village et ses parents qui s'y sont rencontrés à l'occasion d'un autre fait-divers? Son père était l'inspecteur en charge de l'enquête, et sa mère la journaliste qui couvrait l'événement.
Hugo va tenter à son tour de résoudre une double énigme, celle du nouveau crime commis, et l'autre plus trouble qui voit "Douve couler dans ses veines". Fascinante immersion dans un décor où "les nuages sont si bas qu'on ne distingue pas la cime des sapins autour du village."
Douve - Victor Guilbert - J'ai Lu Policiers - 352 pages - 8€
Lionel Germain
Lionel Germain
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