Retrouver Colin Harrison plus de dix ans après "Havana Room", dont la mémoire du lecteur a gardé le parfum subtil de mystère et d'intelligence, c'est se préparer au même bonheur. Et dès les premières pages de "Manhattan Vertigo", la magie s'installe autour du personnage de Paul Reeves, avocat sans grande ambition professionnelle mais véritable collectionneur obsédé par les cartes de New-York au point d'avoir transformé une partie de son appartement en musée.
Il a pour voisine une énigmatique et jolie jeune femme, Jennifer, épouse d'un non moins énigmatique homme d'affaires d'origine iranienne, Ahmed Mehraz. Si Paul se contente d'une activité réduite aux problèmes d'immigration, Ahmed Mehraz incarne l'arrogance d'un parvenu. Son regard sur l'Amérique prophétise avec un certain mépris le déclin des WASP au profit d'une classe dirigeante mêlant Latinos et Asiatiques. Mais quand sa femme le trompe avec un ancien GI, la traque menée par le clan iranien contraint Paul à sortir de sa réserve.
Sur ce thème de la trahison amoureuse, Colin Harrison construit un thriller assez classique, non sans avoir pris le soin auparavant de nous appâter avec son personnage de collectionneur, à la recherche quasi obsessionnelle de "la" carte, la Ratzer, ayant servi à George Washington dans son combat pour l'indépendance. L'Île de Manhattan y surgit des marais, village d'une dizaine de milliers d'habitants accrochés à leurs fermes. Et dans cette quête rarement assouvie du passé s'annonce avec mélancolie le chant funèbre d'une civilisation.
Manhattan Vertigo – Colin Harrison – Traduit de l'américain par Michael Belano – Belfond – 420 pages – 20,90€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 27 mai 2018Lire aussi dans Sud-Ouest