Il pourrait y avoir un évangile selon Joseph. Et comme c'est une bonne nouvelle, on ne tardera pas à l'annoncer: Dieu est Amour. Certes, le message a franchi deux millénaires avec un certain succès mais Joseph Incardona veut nous persuader d'un contre-sens monumental, ou d'un dérèglement du "sens" dont l'Église a proscrit la tentation terrestre. Stella, son héroïne, est un fruit défendu "évoquant les poires Beurré-Hardy: épiderme doré, chair juteuse, sucrée et parfumée."
Quoi de plus émouvant pour cette annonciation que cette princesse tombée du ciel. Parmi les caravanes de forains, elle accueille les hommes en détresse et se découvre un don qui va la perdre: elle n'apaise pas que les morsures du refoulement sexuel, elle guérit réellement les malades et les handicapés. Qu'il faille en passer par sa couche pour obtenir l'absolution constitue un sérieux obstacle à la reconnaissance du miracle.
Joseph Incardona avance partiellement masqué derrière sa galerie de personnages. Le Père Brown d'abord, ancien des Navy Seals de retour du Vietnam, reconverti en confesseur des âmes perdues sur le comptoir nocturne des saloons. En signalant le miracle au diocèse, il déclenche une machine de mort aux trousses de la jeune prostituée. Les frères Bronski ensuite, Mike et Billie, chargés par le Vatican d'effacer une sainte coupable de sauver les brebis égarées. Luis encore, l'indispensable médiateur, journaliste en quête du Pulitzer.
Dans l'intermittence du spectacle, Joseph Incardona se met astucieusement à découvert avec un commentaire sur la cuisine du texte, critique de l'institution religieuse et plaidoyer pour un retour à la sensualité originelle du paradis.
De ce paradis, nous arrive Stella, "lumière d'étoile" dont on se plait à fredonner le refrain, comme Johnny Sandman, vieux saxophoniste noir condamné par son emphysème pulmonaire et sauvé par une étreinte.
"Car ce soir, il doit rendre grâce à ce coït qui, en soi, était déjà un miracle et dont l'intensité l'avait rapproché des étoiles."
Un amour de polar.
Stella et l'Amérique – Joseph Incardona – Éditions Finitude – 224 pages – 21€ - ****
Lionel Germain