Il prétendait n’avoir pas mis sa vie en veilleuse, mais ne faisait pas mystère de ses affabulations. Avait-il vraiment bourlingué de Galway en Amérique, sur la mythique Rum Row, à bord de paquebots trafiquant l’alcool qui essuyaient parfois le feu des bootleggers? Et ces fantômes, qu’il prétendait avoir rencontrés au fil de sa vie… Auteur des "Contes du whisky", rewriter de faux Sherlock Holmes, Jean Ray écrivait en français et en flamand sous de nombreux pseudonymes.
Et avec ce livre joliment présenté par les éditions bordelaises de l’Arbre vengeur, il remet ses pas dans ceux du poète anglais Geoffrey Chaucer. Ces "nouveaux contes" respectent la trame chorale de l’illustre modèle, et entraînent le lecteur dans un maelstrom d’horreurs sans nom, dont le véritable auteur pourrait être le diable, "le plus grand conteur d’histoires". Le verbe, splendide, sert à merveille l’évocation de ces zones crépusculaires: ici l’écrivain belge est bien plus proche de son compatriote Michel de Ghelderode que de l’américain Lovecraft.
Les derniers contes de Canterbury - Jean Ray - Illustrations de Donatien Mary - Préface de Serge Lehman - L’Arbre vengeur - 333 pages - 25€
François Rahier
Lire aussi dans Sud-Ouest