Ce
sont les Américains qui ont inventé cette lignée de personnages cabossés,
alcooliques, malheureux en amour et, il faut bien l'avouer, un brin désespérants
à la longue. Le Norvégien Jo Nesbo a
créé le personnage de Harry Hole sur le modèle du Matt Scudder de Lawrence
Block mais en forçant encore le trait, faisant de cet ancien flic une espèce de
demi dieu échoué parmi les hommes. Aucune souffrance ne lui est épargnée et
malgré tout, il renait après chaque drame comme un phénix au plumage froissé.
On le retrouve avec sa prothèse au doigt, sa gueule de
travers et sa ténébreuse lucidité d'ancien ivrogne au chevet d'Oleg, le fils de
son grand amour. Peu enclin à lui ouvrir son cœur, le jeune homme est arrêté
pour le meurtre d'un dealer. Là où culmine le savoir faire de Nesbo c'est dans
sa manière de nous faire oublier les boursouflures du personnage, presque
fatigant dans "Le Léopard".
Il y a par exemple une scène
d'explication entre Harry et Oleg au cours de laquelle Harry demande qu'elle
est la meilleure amie de l'homme, celle qu'on adore le soir et qu'on hait le
matin, il parle de la drogue dont il fut lui-même une victime, et la confession
cathartique qu'il exige de son interlocuteur résonne d'une justesse rare.
Fantôme – Jo Nesbo – Traduit du norvégien par Paul Dott – Série noire Gallimard – 560 pages – 21€ - ***
Lionel Germain