Boulevard
du Crépuscule en 1950 signe peut-être la fin du paradis artificiel ou du moins
de son adresse sur Terre. Dans ce film de Billy Wilder on y croise quelques uns
des fantômes que Kenneth Anger débarrasse de leur voile pour nous laisser
méditer sur l'affreuse nudité des cadavres.
De
1915 aux années soixante, avec plus d'une trentaine de scènes fatales éclairées
par l'identité judiciaire, nous découvrons ce après quoi nous ignorons courir
au plus fort de nos dénégations: la laideur des anges au tomber de rideau et
cette insupportable odeur de mort qui coiffe les parfums sucrés des suites
hollywoodiennes. Les femmes très belles y étaient malheureuses, les beaux mecs
guère plus heureux. Et la kyrielle d'ogres et d'ogresses dont tous les contes
de fée raffolent sombraient parfois eux aussi dans le désespoir.
Ainsi
pour Fatty Arbuckle. La version de sa chute racontée par Kenneth Anger est
beaucoup plus sombre et immorale que celle récemment publiée par Jerry Stahl. Kenneth
Anger a trop flairé les marges pour se poser en moraliste. Ironique et cruel
avec les sorcières de la presse (elles fournissaient la came tout en
interdisant la consommation), il surgit un peu avant minuit pour nous montrer
l'innocence de la reine et la brièveté de son destin.
Hollywood
Babylone: catalogue funéraire rédigé avec l'acidité amoureuse d'un voisin de
palier.
Hollywood Babylone – Kenneth
Anger – Traduit de l'américain par Gwilym Tonnerre – Tristram – 310 pages –
11,95€ - ***
Lionel
Germain
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