Il existe parfois des connexions troublantes entre des hommes sans parenté qui fréquentent les mêmes rêves sous une homonymie trompeuse.
Historienne d'art et archéologue à l'Université libre de Bruxelles, Camille Brasseur, a consacré un essai à Paul Delvaux, "peintre des femmes et des squelettes" mais également "L'Homme qui aimait les trains" (Snoeck - 2019), cultivant une passion pour les monstres d'acier crachant du feu.
On lui doit des toiles magnifiques sur la gare du Luxembourg, sur de petites gares perdues dans une nuit muette où les personnages se refusent en tournant le dos au spectateur mais nous invitent peut-être au partage d'un mystère ultime.
Le peintre nous abandonne au moment où l'obscurité s'empare de la glorieuse certitude du jour. André Delvaux, lui, ne doit qu'à deux syllabes une apparence de fraternité avec Paul. Mais sur le territoire pétri des mêmes ombres flamandes, les racines se mêlent et le cinéaste belge retrouve les éclairages crépusculaires du peintre pour son adaptation du court roman de Johan Daisne, "Un soir, un train".
Dans un train arrêté en pleine nuit au cœur d'un paysage inconnu, le narrateur quitte son wagon en compagnie d'un professeur et d'un jeune homme. Ils vont s'aventurer sur des chemins qui mènent à une auberge intemporelle où un orchestre anime un bal crépusculaire. La magie du récit tient à ce questionnement courtois des apparences. Le professeur émet quelques hypothèses. On y parle beaucoup d'inertie, de ce mouvement qui nous entraîne à trébucher sur quelques mètres au-delà de l'arrêt. D'un dernier vagabondage peut-être, de ce passager attentif à vivre sa mort dans un onirisme puissant.
Un soir, un train – Johan Daisne – Préface de Philippe Toussaint – Illustrations de Jean-Michel Perrin – Éditions de l'Arbre vengeur – 142 pages – 15€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain