Ça pourrait être l'histoire d'un monde en train de finir, par exemple le monde de la presse papier, symbolisé par le Los Angeles Times en pleine déconfiture financière, face au monde numérisé dont la puissance prolifère dans les entrailles réfrigérées de la planète.
Le journaliste Jack McEvoy est un combattant de l'arrière-garde. Sacrifié pour cause de rentabilité, il vise le Pulitzer comme un dernier fait d'arme d'une guerre déjà perdue. Déjouer l'accusation qui pèse sur un petit dealer accusé de viol et de meurtre, dans le jargon du métier c'est un "cliché". "Mais entrer dans la tête d'un jeune tueur de ce genre? Ça, c'est du calibre Pulitzer, mec".
Michael Connelly construit avec ce personnage de loser apparent la mise en scène d'un combat inégal. McEvoy n'affronte pas seulement la police pressée de conclure une affaire mais un mystérieux assassin qui trône dans la salle des machines du nouveau monde. David contre Goliath et le lancinant refrain des Doors en épilogue: "This is the end… beautiful friend, the end…". Passionnant.
L'Épouvantail – Michael Connelly – Traduit de l'américain par Robert Pépin – Calmann-Lévy – 540 pages – 19€ - ****
Lionel Germain