L'enfer est une région de l'âme, nous dit David
Patsouris, et le paradis un mirage. Cognac, au cœur de la crise entre
viticulteurs et négociants, a perdu de sa nonchalance cossue. Magazins fermés,
cinéma vide, la sous-préfecture ressemble à une ville fantôme dont le
coffre-fort a changé de mains au profit des multinationales. Elle devrait donc
sa misère relative à une poignée de prédateurs, peu soucieux de redistribuer
localement le trésor des chais.
En laissant grincer son blues au-dessus des
vignes, David Patsouris donne à voir ce que dissimule l'arrière plan bucolique
des campagnes: une violence aussi dévastatrice que la nuit minérale des cités.
D'ailleurs rien ne pourrait distinguer Charly le
tueur de ses copains de bistrot. Un long monologue intérieur nous entraîne à
percer ses murailles et menace l'étanchéité du mal. 22 500 euros pour la mort
d'un syndicaliste, fatalement, ça provoque le retour de bile. Charly enterre
son dégout à Royan, encore une bourgade anesthésiée entre maisons de retraite
et promotion immobilière. La sensation de rompre avec un déterminisme brutal
pourrait venir d'une femme mais la rédemption se gagne au prix d'un purgatoire,
cet entre deux du monde trop loin déjà du bonheur et de l'amour.
La part des anges n'est pas montée au ciel. Elle a
couvert d'une suie brune les murs de la ville. Avec un pessimisme lyrique,
David Patsouris nous restitue la part du diable.
Cognac blues – David
Patsouris – Rouergue noir – 205 pages – 18,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 21 avril 2013