En 1921, Kolvair est inquiet de la libération d'Anthelme
Frachant, un ancien mutin de la Grande Guerre. Le héros unijambiste et cocaïnomane
d'Odile Bouhier le soupçonne de l'assassinat, en pleine tourmente, d'un
lieutenant dont il était l'ami.
Avec Lyon, ses trésors historiques et sa technique
policière de pointe, le refoulé de la guerre est un des ressorts essentiels du
roman. Au fil des chapitres, on croise une population terrifiée par le
spectacle des Gueules cassées et on comprend d'où viennent les cauchemars et
l'addiction du flic lyonnais.
En compagnie d'un collègue new-yorkais en visite en
France, il traque son ancien camarade de tranchée. Celui-ci ne tarde pas à commettre des crimes
qui lui vaudront une nouvelle arrestation où sa folie est mise en évidence, un
trouble nouvellement identifié sous le nom de schizophrénie. En pleine affaire
Landru, c'est l'occasion d'ouvrir le débat sur l'article 64 qui définit la
responsabilité pénale d'un accusé au moment de son crime. Landru qu'on avait
reconnu sain d'esprit plaidera l'innocence puisqu'il "fallait être fou
pour avoir commis ces actes barbares".
Le charme de cette série doit beaucoup au foisonnement maîtrisé des personnages de feuilleton dont on est curieux de suivre le parcours. Salacan, et sa science policière acquise près de Locard, la jolie psychiatre de Bron, Bianca Serragio, Damien Badou, le médecin légal homosexuel, Armand Letourneur, journaliste du Progrès de Lyon, et puis Legone, prototype du flic plus que borderline, flambeur et cinéphile d'un genre particulier, les films pornographiques. L'industrie du cinéma ne fait que balbutier mais on devine déjà que ce sera l'affaire du vingtième siècle.
Et justement, pour finir, ce sont les promesses de cette modernité que l'auteur nous laisse entrevoir. Hébétés par une tuerie inaugurale, les hommes découvrent les rudiments d'une science destinée à les affranchir d'un rêve barbare. C'est, hélas, parce qu'on sait ce qu'il adviendra de ce rêve que cette invitation à l'aube est passionnante.
La nuit, in extremis – Odile
Bouhier – Presses de la Cité – 276 pages – 19,50€ -
10/18 - 288 pages - 7,50€ - ***
10/18 - 288 pages - 7,50€ - ***
Lionel Germain
Odile Bouhier a obtenu le Prix Polar Sud-Ouest/Lire en Poche 2013 pour La Nuit des bistanclaques
Odile Bouhier a obtenu le Prix Polar Sud-Ouest/Lire en Poche 2013 pour La Nuit des bistanclaques