Après
"Le cul entre deux chaises" et "Banana Spleen", deux romans
dans lesquels l'écrivain, antihéros par excellence, assumait sa marginalité
avec une ironie mordante, Joseph Incardona a su négocier un passage au noir que
les nouvelles déjà publiées annonçaient.
"Remington" est certes un polar mais on y retrouve la verve et le génie du détail qui ont séduit les lecteurs du recueil proposé par Delphine Montalant en 2003, "Dans le ciel des bars". La comédie humaine d'Incardona est centrée sur un type qu'il connaît bien même s'il est loin d'en être le double: André Pastrella dans le premier diptyque, Matteo Greco dans "Remington" et maintenant Ramon Hill pour "220 volts". Des écrivains dans la débine, trop lucides sur eux-mêmes ou sur leur entourage pour se faire beaucoup d'illusions.
Ramon Hill n'échappe pas à la règle. Il a réussi à écrire des bouquins qui se vendent mais ce sont des bouquins de salle d'attente. La panne sèche le surprend. Sa femme ne le surprend plus. Il finit par accepter l'idée d'une retraite en montagne pour relancer l'inspiration et sa libido paresseuse. Dans un polar, c'est souvent la plus mauvaise des solutions. Le chalet perdu au milieu de nulle-part n'a pour voisins que trois cochons et leur inquiétant propriétaire. Après avoir pris le jus sur une vieille prise, Ramon déborde d'une énergie mauvaise et tout s’enchaîne avec cruauté jusqu'à l'épilogue totalement amoral.
220 volts – Joseph Incardona
– Fayard – 194 pages – 15 euros - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 22 mai 2011