Gardons-nous
d'évoquer un roman culte, un auteur culte ou cette sacralisation très française
du "chercheur d'or, charpentier, plombier, fermier, écrivain". Dans
le flux incessant des nouveautés (nécessaires et souvent vivifiantes),
contentons-nous de faire une pause en affirmant que tous les livres n'ont pas
la chance de supporter une relecture. Les Marécages appartiennent à cette
catégorie, comme la Nuit du Chasseur auquel on le compare habituellement.
Ça
tient évidemment aux thèmes, un gamin dans les années trente, la condition des
Noirs, le Texas et le chemin vers l'âge d'homme. Mais il y a surtout la magie
d'une écriture où la forêt de l'Homme-Chèvre figure le maquis intérieur d'un
enfant dont les questions se heurtent aux ombres portées des adultes et à la
noirceur pressentie du monde.
Enfin,
si la relecture est possible, sans doute ne concerne-t-elle qu'un petit nombre
de lecteurs, ceux qui entendent davantage à travers les propos effrayés du
jeune Harry, la plainte du vieillard, pressé de pouvoir déchirer les nuages.
Les marécages – Joe R.
Lansdale – Traduit de l'américain par Bernard Blanc – Folio Gallimard – 390
pages – 8,70€ - ****
Lionel Germain