Qui
n'a pas fait l'expérience de ce tableau pixélisé sur lequel on bute, incapable
de trouver un sens à la multitude de points sauf à s'éloigner pour voir surgir
enfin l'image? C'est le même émerveillement enfantin qui gagne peu à peu le
lecteur de ce roman dont le héros s'appelle Jules Henri Poincaré, rien moins
que l'arrière-petit fils d'Henri
Poincaré, notre mathématicien auquel la préface du Professeur Cédric Villani
rend hommage.
Parce que le roman national, si souvent lyrique pour des héros
belliqueux, a longtemps sous-estimé ce "précurseur de la théorie du Chaos,
défricheur de la théorie de la relativité", plus enclin à l'abstraction
qu'aux interrogations sur les passions humaines mais capable de descendre dans
l'arène pour dénoncer les absurdités de l'Affaire Dreyfus.
Ce
n'est donc pas un hasard si c'est au commissaire Jules Henri Poincaré
qu'Interpol confie l'enquête sur la mort d'un mathématicien, James Fenster,
assassiné à Amsterdam alors qu'il s'apprêtait à intervenir dans une conférence
sur le commerce mondialisé. Dans un climat international "chaotique",
Poincaré s'obstine à chercher la lumière dans la forêt obscure des équations.
D'une tentative de modélisation de l'amour à celle si intrigante des fougères,
on se laisse étourdir par la magie des nombres. Jusqu'à ce que le tableau
apparaisse enfin pour Poincaré. Un peu comme dans la Lettre volée de Poe, une
partie de la solution après laquelle court le flic d'Interpol est sous ses
yeux, écho lointain de la poésie rigoureuse de son arrière-grand-père, Henri
Poincaré.
La Théorie du Chaos –
Leonard Rosen – Traduit de l'américain par Hubert Tézenas – Cherche Midi – 493
pages – 20€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 13 octobre
2013
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