Si
on en croit les révélations de son site internet, R.J. Ellory n'a pas trouvé un
boulevard devant lui quand il s'est mis en tête de publier ses romans
"américains". Les éditeurs de Londres et de New-York lui suggérèrent
de se contenter d'un territoire plus modeste. Mais c'est justement cette notion
d'espace que revendique Ellory. L'espace, la durée et le foisonnement des
personnages dont les destins, comme ceux de "Seul le silence" vont
traverser le siècle, ou dans "Vendetta" nous imposer une relecture de
l'histoire du crime aux Etats-Unis.
Le
dernier roman publié en France possède d'ailleurs une structure quasi identique
à celle de "Vendetta". Des meurtres en série, un flic qui patauge et
un narrateur secret qui laisse entrevoir un dénouement hors normes, avec la
sécurité d'état en point de mire. Ellory ne néglige rien pour captiver son
lecteur. Les personnages secondaires sont traités amoureusement, l'intrigue
bascule de rebondissement en rebondissement avec une précision horlogère, le
point de vue n'est pas anecdotique et la vision du monde interroge de façon
convaincante les problèmes de l'Empire américain.
Reste qu'on n'y apprend rien
qu'on ne sache déjà et qu'à l'inverse de James Ellroy qui réinvente la vérité
historique avec rage, mauvaise foi et fureur, Ellory donne le sentiment après
la lecture de trois de ses livres de n'être que le grand ingénieur de sa petite
fabrique de monstres.
Les Anonymes – R.J. Ellory –
Traduit de l'anglais par Clément Baude - Sonatine – 690 pages – 22€ -
Livre de poche - 736 pages - 8,10€ - *** –
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 5 décembre 2010