Élie Robert-Nicoud est bien connu des amateurs de polars sous le nom de Louis Sanders. C'est derrière ce pseudonyme qu'il a publié aux éditions Rivages quelques romans inspirés par la communauté anglaise de Dordogne. Les "scènes de boxe" sont les confessions d'un fils qui rêvait de monter sur le ring, comme son père. Elles nous racontent la légende des pauvres qui ont brûlé leur vie entre les cordes: Joe Frazier, Sonny Liston, Mike Tyson. L'histoire d'une passion "que les boxeurs eux-mêmes détestent".
"La boxe n'est pas un sport lumineux, c'est un sport de l'ombre, de la peur de la nuit. La peur de ne pas savoir faire autre chose que boxer. Et parfois aussi la peur de voir son fils se mettre à boxer."
Le polar aime fouiner dans les coins obscurs. Une salle de boxe, ça pue la sueur et ça hait la lumière du jour. Dans cette réédition d'un livre paru chez Stock en 2017, Sanders, auteur de romans noirs, redonne la parole à Robert-Nicoud qui mêle souvenirs personnels et anecdotes sur le monde de la boxe. Miles Davis par exemple en était obsédé au point de lui dédier un album, A tribute to Jack Johnson enregistré en 1970. Miles s'était lié d'amitié avec Johnny Bratton, surnommé Honey Boy. Bratton fut champion du monde des poids welters en 1951. Il figure dans l'album de Miles aux côtés de Archie Moore, Sugar Ray ou Ali, qui ont donné leur nom à un morceau. Mais en 1979, Honey Boy n'est plus qu'un clochard qui hante le hall d'un palace délabré. Tout comme Panama Al Brown, amant de Cocteau qui fréquentait le Bœuf sur le toit, et qui meurt en 1951 dans les rues de New-York.
Retrouvailles grandioses enfin entre Ali et Frazier pour lequel l'auteur ne cache pas son admiration. En 1975, à Manille, pour leur troisième rencontre, Ali est accueilli comme une rock star et touche six millions de dollars, Frazier arrive dans l'indifférence générale en pleine nuit et perçoit trois millions de dollars. Pour un combat homérique dont Robert-Nicoud est persuadé que le vainqueur n'est pas celui qui a levé les bras à la fin du match.
Un hommage au côté sombre de notre humanité.
Lionel Germain
Sélectionné pour le Prix du Polar Sud-Ouest/Lire-en-poche
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