On sait depuis Proust que la mémoire est le terrain de jeu des romanciers, et Jérôme Loubry joue au sens propre avec les traces indéchiffrables qui émergent de l'enfance. David est écrivain, Samuel est éditeur, mais la vie de ces personnages en 2017 n'est qu'une compilation de saisons dont chacune écrase la précédente pour aboutir au palimpseste silencieux du présent. Amis d'enfance, ils ont fréquenté en 1986 un centre de vacances ouvrier. Ils ont 12 ans et leur duo insouciant s'anime encore avec l'arrivée de la petite Julie. Dans ce récit où un changement climatique des consciences semble avoir érodé la saison initiale, Jérôme Loubry s'empare de la maladie d'Alzheimer pour suggérer l'autre effacement irréversible dont est victime la femme du "patron" retrouvée pendue. Ce suicide, la disparition de Julie et les problèmes économiques de l'entreprise se réactualisent trente ans plus tard sous la forme d'un roman anonyme expédié aux amis d'enfance. Qui en est l'auteur, et quel est son but? Le vertige littéraire convoque les fantômes du passé. Avec une infinie tendresse.
Le douzième chapitre - Jérôme Loubry - Le Livre de poche - 360 pages - 7,90€
Lionel GermainPrix du Polar Sud-Ouest/Lire-en-poche 2020
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