Dix heures par jour, 3 euros de l'heure, sous un soleil de plomb, c'est le sort réservé aux forçats de l'agriculture européenne. Dans le désert espagnol, les serres où poussent nos tomates forment une mer de plastique défiant toutes les règles environnementales avec la bénédiction de Bruxelles. C'est là que Gilles Vincent envoie son personnage de photographe, Thomas Volner, pour une enquête sur l'esclavage moderne des travailleurs africains. Mais une affaire de disparition d'enfants retrouvés peu à peu pendus comme des poupées aux branches des arbres pourraient bien transformer les "negros" en boucs émissaires.
Gilles Vincent avait déjà abordé les séquelles de la guerre d'Espagne dans "Beso de la muerte". "Les poupées de Nijar" reconvoque les fantômes du franquisme dans ce décor apocalyptique où les Marocains participent à l'exploitation des plus pauvres. La commissaire Alba Martin Robles mène l'enquête sur les disparitions, flanquée d'un adjoint qui s'est illustré dans les brigades politiques sous Franco, un "facho à l'allure de danseur de tango".
Dans la petite ville "blanche", les "negros" ne sont pas les bienvenus et le patron du bar exprime son hostilité envers les Africains, quelques dizaines de milliers qui espèrent malgré leur mise sous coupe réglée, rejoindre les "millions" déjà passés en Europe du nord. Une hypothèse de submersion que la mafia locale rend de toute façon impossible.
Les poupées de Nijar – Gilles Vincent – Au Diable Vauvert – 368 pages – 20€ - ***
Lionel Germain