Alain Dubrieu est mort en 2002 à Montpellier après avoir fréquenté les Centrales pénitentiaires. Gallimard a réédité "Le désert de l'iguane" paru en 1979 chez Ramsay et parallèlement, les éditions LGP proposaient un triptyque noir du même auteur composé de trois romans, "La Saison du rebelle", "Rapt" et "Haine comme normal".
Trois destins déchirés racontés dans une langue qui ne se refuse rien. Pourquoi se priver du plaisir des mots quand on a cultivé le sens de la redite en tournant en rond dans une cage. Une gourmandise obsessionnelle pour les allitérations en rafales, avec dans "Le désert de l'iguane", des trouées de poésie pure: "oiseaux qui allumez les soirs, escarbilles duveteuses que lancent dans l'azur les frondes sèches des autans, je vous accueille entre mes plaies...".
C'est ça Dubrieu, une innocence captive moins du système carcéral que d'elle-même. L'iguane est un taulard dont la rédemption programmée est conditionnée à sa soumission au broyage institutionnel. La société des taulards n'est pas pire que la nôtre. On y observe à la loupe les mécanismes d'asservissement qui de l'autre côté des barreaux se diluent dans la banalité du nombre. Reste pour le lecteur, un sentiment partagé entre le malaise et l'éblouissement.
Le désert de l'iguane – Alain Dubrieu – Gallimard Noire (janvier 1994) – 304 pages – 13,95€ - ***
Lionel Germain