L’écrasant succès des Brèves de comptoir, au théâtre et en librairie, fait oublier quelquefois que Jean-Marie Gourio est aussi un grand romancier. À propos de Chut! primé plusieurs fois ces dernières années, Yann Queffélec avait parlé déjà d’un "merveilleux roman d’encre et de sang".
Dans "Un café sur la Lune", où il met sa prose parfaitement maîtrisée au service d’un lyrisme érudit, Gourio retrouve ce bonheur d’écriture. S’inscrivant résolument dans le registre SF, le livre reprend la chronologie des explorations lunaires, depuis les premiers pas de Neil Armstrong en 1969 jusqu’à l’explosion d’une sonde récemment au fond du cratère Cabeus; prenant très au sérieux l’hypothèse scientifique d’une "terraformation" de la Lune, il imagine ensuite la naissance d’un premier bébé dans une base lunaire, l’atmosphère, l’eau, la vie… et, le 15 juin 2095, l’ouverture du premier café sur la Lune!
Autour de Bob l’Irlandais et de sa frêle épouse chinoise TinTao, les propriétaires, c’est alors toute une humanité qui se presse, improbable, extravagante, assoiffée d’existence, tous les damnés d’une Terre mondialisée, blessée, exténuée, dont ils assistent émus au "lever" depuis leur terrasse ouverte sur l’immensité du ciel, des piliers de comptoir, bien sûr, des gens peu fréquentables, éperdus d’amour cependant, dont l’auteur se complaît à nous entretenir dans des pages empreintes par moment de surréalisme. La nostalgie alors prend à la gorge, et on ne peut qu’évoquer les plus belles pages des "Chroniques martiennes" de Bradbury, chef d’œuvre absolu de SF poétique. Salut l’artiste!
Un café sur la Lune - Jean-Marie Gourio – Julliard – 340 pages – 20,00€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 30 janvier 2011