Avec ce premier roman qui projette une lumière noire sur une jeune fille logée dans un corps masculin, Alana S. Portero explore les contraintes du paraître dans un quartier populaire de Madrid. La posture détermine votre sauvegarde, et si “Alejandro” n'arrive pas à prononcer ce qui la désigne dans le cadre familial, elle est pourtant destinée à traverser l'enfance avec cette convention qui la mutile.
"Pour moi, petite travestie incognito d'un quartier populaire qui n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle allait devenir, contempler Boy George dans toute sa joyeuse féminité ou Prince en bas résille, c'était comme apercevoir des lucioles dans une grotte noire et humide."
Le milieu ouvrier de San Blas accumule les failles dans lesquelles la jeunesse des années 90 va se perdre. Au cœur du désenchantement postfranquiste, la narratrice voit ses amis disparaître, victimes du SIDA et des surdoses.
Elle paiera sa mue au prix fort, physiquement et sexuellement, mais sa victoire sera de pouvoir affronter enfin la lumière du jour en talons aiguille. Un très beau roman sur la traversée du miroir.
La mauvaise habitude – Alana S. Portero – Traduit de l'espagnol par Margot Nguyen Béraud – Flammarion – 272 pages – 22,50€ - **** –
Lionel Germain
Lionel Germain
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