C'est parce que l'Amérique n'admet aucune nuance entre le noir et le blanc que son histoire porte une douleur contrastée qui reste plaie ouverte longtemps après la fin de l'esclavage. En restituant le South Boston des années 70, Dennis Lehane ravive la souffrance de cette séparation.
D'un côté les quartiers blancs, des hommes et des femmes de classe très moyenne, de l'autre les quartiers noirs et leurs cohortes d'invisibles que la municipalité aimerait rendre à la lumière en menant une politique de déségrégation. Mais contraindre les écoles à rompre l'apartheid, imaginer des bus qui traversent les frontières en mélangeant les enfants des deux communautés, c'est déclarer la guerre aux Irlandais qui vivent l'entre-soi comme un de leurs derniers privilèges.
La disparition d'une jeune fille blanche et l'assassinat d'un jeune noir vont précipiter le retour de la haine. Un flic toxicomane en rémission, ancien du Vietnam "qui lui a brouillé les idées en ce qui concerne les femmes", avance dans une forêt d'indices trompeurs sur le manichéisme racial. Et surtout, Dennis Lehane offre le portrait d'une femme dont la colère s'érige en juge impitoyable, indifférente au silence auquel elle doit faire face.
Le Silence – Dennis Lehane – Traduit de l'américain par François Happe – Gallmeister – 448 pages – 25,20€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain