L'éditeur convoque "Walden ou la Vie dans les bois" de Thoreau pour tenter le jeu des références avec ce "Sugar Street". C'est vrai que si Jonathan Dee cultive la même distance entre son personnage et le reste du monde, l'homme en fuite qu'on découvre dans Sugar Street professe lui un propos un brin plus misanthrope que celui de Thoreau.
Pour échapper aux créanciers et à tous ceux qui ont une bonne raison de lui en vouloir, il a décidé d'un effacement progressif. Muni d'un bon pactole qui ne sera pas éternel, il procède par étapes pour se dissoudre dans un anonymat que les sociétés modernes interdisent. Jonathan Dee fustige un monde dans lequel tout ce qui est revendiqué n'est qu'une posture. Les gens sont invités à "exprimer leur vérité", à protester contre les injustices, à ne plus se taire, "nous ne nous tairons plus"…
"Quand vous êtes-vous tus? Si j'en crois mon expérience, vous n'arrêtez jamais de parler, putain. Parler, c'est de l'auto-idolâtrie. Taisez-vous un peu plus."
Un grand numéro de pessimisme littéraire.
Sugar Street – Jonathan Dee – Traduit de l'américain par Élizabeth Peellaert – Les Escales – 224 pages – 22€ - ***
Lionel Germain
Lionel Germain