Septembre 2001,ça sonne comme un faire-part de deuil. Simon, étudiant en cinéma qui rêve de réaliser des films d’horreur, assiste désemparé à cet effondrement partiel du monde occidental. À Poitiers, le jeune homme pense échapper à la torpeur en intégrant la rédaction du journal comme vacataire. Cornaqué par un vieux fait-diversier, il commente l’agenda d’une petite ville où les notables et les élus ne sont pas sans influence sur la ligne éditoriale.
Jusqu’à ces disparitions mystérieuses de jeunes gens qui attisent les rumeurs les plus folles en l’absence de réponses policières. Onze ans plus tard, Simon est vraiment journaliste dans l’Est de la France. Trente-deux ans, assommé par une vie routinière, célibataire et déjà victime d’un plan social. 7 janvier 2015, c’est aussi le jour où l’effondrement se propage à un autre édifice symbolique, la rédaction de Charlie-Hebdo.
Dans le sillage de ce crime contre la liberté de la presse, Simon est aussi le témoin impuissant du changement radical de la profession. La chasse au scoop est devenue la “chasse aux clics”. De retour à Poitiers, il est désormais le titulaire officiel de la rubrique des faits-divers dans le journal de ses piges étudiantes. L’occasion pour lui de renouer avec les questions sans réponses de sa jeunesse.
Thibaut Solano travaille d’après “une histoire vraie”. Journaliste, il a déjà publié le récit de ses enquêtes autour de la disparition de jeunes filles à Perpignan, sur la genèse de “L’Affaire Grégory” également.
Avec “Les Noyés du Clain”, il nous présente un personnage de “fouineur” complexe. Insomniaque, solitaire et obsessionnel, le jeune Simon Magny n’hésite pas à fréquenter les squatts et les bars de nuit pour approcher une vérité sordide. Les faits-divers offrent rarement les premiers rôles aux assassins surdoués du roman victorien. C’est l’écume grise de notre humanité qui charrie l’ordinaire du crime.
Les Noyés du Clain – Thibaut Solano – Pocket – 448 pages – 7,95€ - ***
Lionel Germain