Un journaliste et un écrivain, c'est le duo mystère qui se cache derrière le pseudonyme de Dario Correnti. A croire qu'à l'image d'Elena Ferrante, les auteurs italiens répugnent au “coming-out” d'une condition qui fascine à l'inverse les Français. Quand Albin Michel précise que l'écrivain est de plus un personnage très connu, on en déduit que c'est peut-être la pratique du "polar" qui entacherait une réputation de "littérateur".
Son succès, Dario Correnti le doit à un autre duo, celui qu'il a imaginé pour embarquer les lecteurs dans des intrigues de "thriller" assez conventionnelles mais majorées d'une profondeur de champ historique astucieuse.
Les personnages principaux découverts dans "La Nostalgie du sang" chez le même éditeur, sont deux journalistes. Un sur le départ, Marco Besana, et une jeune stagiaire, Ilaria Piatti, aussi mal fagotée que mal accueillie dans la rédaction d'un journal en proie à la crise hélas partagée par un grand nombre de titres de presse. Dans cette première affaire de meurtres en série ritualisés, on se connectait avec le souvenir d'un initiateur italien du 19ème siècle, le serial killer Vincenzo Vernezi.
"Le Destin de l'ours" reprend un schéma narratif identique. On retrouve en parallèle avec l'assassinat d'un industriel milanais le modus operandi d'une criminelle du XVIIIème siècle. Mais si le "polar" n'est pas d'une originalité exceptionnelle, on est séduit par le personnage de Marco dont la philosophie bougonne émaille le récit de réflexions souvent pertinentes sur son métier. "Nous sommes une espèce de mégalomanes narcissiques", confie-t-il en fustigeant ses confrères qui rêvent de passer de la notule au roman.
Lui "s'est juré de ne jamais écrire de roman. Jamais. Même vieux, même à l'agonie. Sur sa tombe, il veut que l'on grave ces mots: « Rien qu'un journaliste. »"
Quant à sa jeune consœur Ilaria, pour qui "un fait-diversier ne devrait éprouver d'empathie pour personne et se borner à bien mener son enquête", elle conforte sa vocation à l'idée qu'elle n'est peut-être elle-même que le fruit d'un fait-divers tragique entre ses propres parents.
Le destin de l'ours – Dario Correnti – Traduit de l'italien par Marianne Faurobert – Albin Michel – 456 pages – 22,90€ - **
Lionel Germain
Lionel Germain