J.B Pouy le dit dans sa préface, James Sallis n'est jamais où on l'attend. Dans la production de polars contemporains, le trait dominant qui réunit beaucoup d'auteurs, c'est le nombre de pages. Sallis, comme Pouy d'ailleurs, tient la distance en épargnant les arbres. Planqué dans la clairière où le roman noir se protège des évidences solaires, il se consacre au tremblé de ses personnages, ici une femme, Sarah Jane, qui nous raconte son histoire en sachant que...
"toutes les histoires sont des histoires de fantômes, qui parlent de choses perdues – personnes, souvenirs, foyer, passion, jeunesse -, bataillant pour être vues, pour être acceptées par les vivants.
Un matin, au réveil, j'ai posé les yeux sur les pousses de bambou décolorées ornant le papier peint, puis je me suis rendue à la cuisine pour préparer du café et j'ai découvert que je faisais office de shérif."
Un fantôme persuadé de porter la poisse à tous ceux qu'elle aime, et qui s'effacent un jour où l'autre. Sarah Jane avance, écrit son histoire, cherche à savoir où s'est envolé l'autre shérif, encore un spectre avec lequel elle était liée, déplore les "blessures" des flics de fiction qui n'ont rien d'autre à offrir. Sarah Jane est une âme en peine. Son parcours la ramène au chagrin initial, "nous sommes tous les témoins clairvoyants de nos propres vies, n'est-ce pas?".
Sarah Jane – James Sallis – Traduit de l'américain par Isabelle Maillet – Préface de Jean-Bernard Pouy – Rivages noir – 207 pages – 19€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain