La Maison Russie est une petite maison du quartier Victoria à Londres. Comme son nom l'indique, les officiers qui y travaillent sont des spécialistes de la défunte URSS. Le narrateur, Horatio Benedict de Palfrey, est le conseiller juridique du Service. Le Carré s'amuse à démontrer que l'univers n'est qu'un réseau de signes. En ancien français, un palefrei est une monture destinée aux dames et c'est pour échapper à une dame que "ce vieux Palfrey" s'est réfugié à l'intérieur de cette "citadelle secrète" qu'est la Maison Russie. Pour couronner le tout, Palfrey se cache derrière le pseudonyme de Harry. Il y a donc loin des apparences à la réalité. Sa fonction consiste à fabriquer des mensonges suffisamment crédibles pour convaincre les éventuels associés du Service que ce qu'on exige d'eux n'est pas contraire à la légalité.
Au cours de la première "foire audio" et en pleine perestroïka, Katia, une Russe qui travaille dans l'édition, fait passer des documents à l'Ouest. Le destinataire est Barley Scott Blair, éditeur marginal, dilettante, musicien et amateur de whisky (Barley, c'est l'orge). Les documents révèlent certains secrets militaires destinés à rendre irréversible l'ouverture entre savants des deux blocs. Qui en est l'auteur? S'agit-il d'une manipulation? C'est ce que devra découvrir Barley Scott Blair, recruté malgré lui par les services secrets britanniques.
Si le monde du "secret" manipule les codes, John Le Carré utilise ses perversions, ses fantasmes et ses simulacres pour mettre à nu les contradictions les plus intimes de chacun de nous. "Espionner, c'est écouter, espionner, c'est attendre", dit-il. On songe à la "patience" de l'analyste et à l'analysé qui ruse avec lui-même.
La Maison Russie, c'est le double récit d'un monde qui abandonne ses masques, non sans résistance, et d'un homme, Barley, qui va sacrifier ses "couvertures" pour accéder, non sans mal également, à la liberté.
La Maison Russie – John LeCarré – Traduit de l'anglais par Isabelle et Mimi Perrin - (1ère édition française chez Robert Laffont - novembre 1989) – Réédition Folio en 1991 et Points en 2003 – environ 500 pages - ***
Lionel GermainJohn Le Carré est mort le 12 décembre 2020.