Poète, romancier et professeur de littérature française à Tokyo, Hisaki Matsuura est aussi critique de cinéma avant de publier un premier recueil de nouvelles en 1996 puis des romans policiers comme "Tomoe", ce roman noir de 2001 dont les éditions Rivages nous proposent aujourd'hui une traduction sous le titre "Le Calligraphe".
Le Calligraphe s’appelle Kôyama. C’est un homme de 70 ans plusieurs fois primé pour son œuvre, "la fusion d'une flambée d'énergie vernaculaire dans l'expérience formelle moderne."
Hisaki Mutsuura tourne habilement autour de ce flou artistique où le signe dessiné s'anime pour s'affranchir d'un système d'équivalence qui le réduirait à sa fonction d'échange. Mais au moment où l'idéogramme "oiseau" prend son envol, c'est le corps qui s'asservit à l'exigence du signe. Et Otsuki, toxicomane gigolo, va se perdre physiquement dans cette rencontre avec le Calligraphe.
Ce dernier lui demande d'achever le film pornographique dans lequel il a mis en scène sa petite fille Tomoé, une adolescente de 17 ans. Hisaki Matsuura s'empare des codes de la violence, du sadomasochisme et de la manipulation, et cherche l'instant de grâce meurtrier pendant lequel le signifiant inoffensif se confond avec la chair blessée. "Tomoé, c'est un caractère d'écriture. Un corps allongé sur le dos, les yeux fermés, qui flotte en l'air, sans défense, une ligne gracieuse tracée à l'horizontale."
Le roman qui provoque jusqu'au malaise l'incertitude des représentations, exhale aussi quelques fumerolles métaphysiques servies par une écriture affutée. Rendez-vous pris avec le "signe" noir dans les faubourgs d'un songe macabre.
Le Calligraphe – Hisaki Matsuura – Traduit du japonais par Silvain Chupin – Rivages noir – 352 pages – 21,50€ - ***
Lionel GermainLire aussi dans Sud-Ouest