Daniel Pennac a commencé à écrire un essai dans les années 70, puis des livres pour enfants avant d'aborder le polar en 1985 avec "Au bonheur des ogres" publié par la Série noire. C'est dans ce roman qu'apparaît Benjamin Malaussène, le personnage de bouc-émissaire professionnel. On le retrouve dans une tétralogie avec "La Fée Carabine" puis "La petite marchande de prose" et "Monsieur Malaussène" complété par "Aux fruits de la passion". Mais c'est avec "La petite marchande de prose" qu'il change d'étage chez Gallimard, passant de la cave au balcon prestigieux de la collection "blanche".
Dans ce troisième titre, Benjamin Malaussène travaille pour la reine Zabo, une éditrice qui le charge d'endosser toutes les colères des écrivains "refusés". Jusqu'au jour où elle lui demandera même d'emprunter la personnalité d'un fabricant de bestsellers. L'auteur véritable n'étant pas celui que l'on croyait, Benjamin est réduit à l'état de légume sur un lit d'hôpital.
L'occasion pour Pennac d'écrire une des plus belles pages du roman. "Un corps tout entier se vide en clameurs et ceux qui sont au pied du lit ne perçoivent rien". "Johnny got his gun" revu par les frères Marx.
Comme dans les deux précédentes aventures, la tribu Malaussène a un rôle de première grandeur. Clara, la sœur photographe qui veut épouser un directeur de prison modèle, le petite frère, Julius, le chien épileptique, mais aussi Louisa de Casamance, Amar le restaurateur, Mo le Mossi et Simon le Kabyle, "les roitelets du bonneteau de Belleville à la Goutte d'Or". Tout ce petit monde évolue dans un climat de merveilleux loufoque qui ne caractérise pas particulièrement le roman noir.
Après avoir éprouvé les contraintes du polar, le vrai danger du changement de collection pointe son nez: celui de céder au "subjectivisme nombrilaire de notre littérature hexagonale." Pennac s'en sort assez bien jusqu'à cette "Petite marchande de prose" mais dès les prolongations avec "Aux fruits de la passion" et plus récemment en 2017 avec "Le cas Malaussène", l'exercice de style manque de cette nécessité qui s'impose sur les rayons de la "noire".
Au Bonheur des ogres – Daniel Pennac – Série noire – avril 1985
La petite marchande de prose – Daniel Pennac – Gallimard – (1990 et 1997)
Lionel Germain
La petite marchande de prose – Daniel Pennac – Gallimard – (1990 et 1997)
Lionel Germain