John Grisham nous surprendra toujours. Sa vision critique reste singulière pour un auteur mainstream même si à la fin de la plupart de ses romans le happy-end réduit la portée du regard sur le système américain. On a forcément ça à l'esprit quand on ouvre "La Sentence". Ça et la certitude de passer un bon moment, parce que l'écrivain a un vrai talent pour harponner son lecteur en quelques lignes:
"Début octobre 1946, par un matin froid, Pete Banning s'éveilla avant l'aube. Il savait qu'il ne se rendormirait pas. Longtemps il resta étendu au milieu du lit, à regarder le plafond sombre, en se demandant pour la millième fois s'il trouverait le courage d'aller au bout. Enfin, quand les premières lueurs du jour apparurent aux fenêtres, il accepta la réalité implacable: il était temps de tuer."
L'homme qui se lève est un vétéran honoré de la Seconde Guerre mondiale. Et celui qu'il va tuer est un révérend tout aussi respecté, le révérend Dexter Bell. S'il n'y a donc aucun suspense autour de l'identité du meurtrier, le mystère reste entier et s'épaissit même au fil des chapitres sur les mobiles de l'acte. Dexter Bell était un ami de Pete Banning et rien de convaincant ne filtre sur les raisons du meurtre. L'assassin est donc arrêté et le procès s'annonce sans surprise puisque le coupable est mutique et ne désire même pas qu'on fasse appel de sa condamnation à mort.
C'est vraiment le roman le plus dense de John Grisham qui fait le procès impitoyable de la guerre et de ses prétendus héros à commencer par Mac Arthur. Puissant et habité par le silence de ce personnage qui nous accompagne jusqu'au dénouement, le livre est passionnant.
La Sentence – John Grisham – Traduit de l'américain par Dominique Defert – Lattès – 500 pages – 22,90€ - ****
Lionel Germain