Village intemporel de la nuit parisienne, Pigalle et sa Place Blanche égrènent d'innombrables légendes où se rencontrent héros du macadam et filles perdues. En dépit de la faillite des principaux bordels et du remaquillage des vitrines, l'esprit des lieux se renifle dans le roman de Jeanne Faivre d'Arcier en fréquentant le Valparaiso, le Bistrot du Neuvième ou la Chatte blonde. Chaque ruelle renvoie au culte fiévreux de Sainte Rita, la patronne des causes désespérées.
Pas étonnant dès lors de retrouver une collection de personnages à la verdeur digne de Léo Malet, Simonin ou Le Breton. On se croirait égaré dans l'âge d'or du roman noir français avec Philippe, cadre supérieur déchu après la mort accidentelle de sa femme enceinte. Ses voisins le prennent pour un toubib mais sa cuite permanente l'a contraint à se satisfaire d'un job de gardien de musée. Prostituées, transsexuels et artistes en devenir, se pressent au chevet de Cerise, un bébé abandonné dans le tiroir d'un buffet laissé sur la chaussée pour le ramassage des encombrants.
Le brigadier Muriel Hardy mène l'enquête autant sur l'affaire que sur sa propre identité sexuelle. Un nourrisson, une gamine livrée à elle-même sur le pavé de Pigalle, des méchants qui "surinent" et des anges gardiens aux ailes froissées, "Patte-de-Pie, Cerise, Églantine, docteur Filou", tous participent à la ronde poétique au-dessus de laquelle flotte la petite musique de Kosma.
Les encombrants – Jeanne Faivre d'Arcier – Milady Bragelonne – 324 pages – 7,20€ - **
Lionel Germain