On a tous en mémoire un orchestre miteux à l'arrière-plan un peu flou d'un bouge où "l'inspecteur" méprisant s'amène, police oblige, pour interviewer un de ses indicateurs. D'accessoire, le jazz est souvent passé en première ligne après avoir fait quelques essais de figuration intelligente.
Dans "La Position du tireur couché", Manchette propose à travers un de ses personnages une analyse aussi savante que désabusée sur l'enfermement de l'avant-garde, allant jusqu'à citer Braxton. En fait, le très peu sympathique Félix Shrader caricature à peine ce qui se dit sur le jazz dans les milieux concernés par la musique vivante qu'il nous donne à entendre quelques pages plus loin. Elle ponctue une scène d'action dans laquelle Martin Terrier va découvrir son copain Stanley en mauvaise posture.
"En cet instant, c'était l'orchestre de Dizzy Gillespie enregistré en public au festival de Newport, dans les années 50. Pendant une série de riffs particulièrement agressifs de la section de trompettes, Terrier donna un bon coup de pied dans la lucarne de la chambre."
Au passage, on remarquera que le mot "riff" est supposé aussi familier au lecteur de polar que la différence entre un revolver et un pistolet.
"Aucun bruit ne venait des chambres (…) Terrier soupira (…). En bas, le tourne-disque cliqueta encore et Ray Charles se mit à crier avec enthousiasme qu'alléluia il l'aime tant."
La position du tireur couché – Jean-Patrick Manchette – Série noire Gallimard – Folio – 208 pages – 6,60€ - ****
Lionel Germain - d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche en octobre 1986