Lucilia Caesar est l'autre nom d'une des mouches les plus emblématiques du destin des mammifères. Dans un premier chapitre brûlant comme du marbre funéraire au mois d'août, Joseph Incardona nous détaille les parcours de cette ronde vrombissante éprise de nectar mais dont les larves se nourrissent de charogne. Un homme, Pierre Castan, enfermé volontaire dans une voiture chauffée à blanc sur le parking des vacances, voudrait mourir dans ce cercueil de tôle. Il a été médecin légiste pendant 17 ans et "les mouches à merde", il connaît.
Dans la cafétéria de l'autoroute, miraculé après un accident de moto, Pascal débite les hamburgers et les idées noires. Il n'a qu'une question innocente et cruelle à poser aux clients pour lesquels il est invisible: "Quel est donc le prénom de cette jolie petite fille qui vous accompagne?"
Loin au cœur de la ville, la femme de Pierre s'étiole. La disparition de son enfant a épuisé son stock de larmes. Entre deux bloody mary, elle n'attend plus qu'un coup de fil de Pierre, "le chasseur au rapport". On voit rapidement deux logiques s'affronter, celle des enquêteurs et celle de la justice privée.
Mais le roman est aussi un objet littéraire où se condensent les traces d'autres œuvres. Joseph Incardona rend hommage à François Bon dont certains personnages traversent le décor. "Les livres se nourrissent de livres" et pour le plus grand malheur des jeunes filles, dans les restaurants d'autoroute aussi, il y a des chambres froides.
Derrière les panneaux, il y a des hommes – Joseph Incardona – Finitude - 288 pages – 22€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 7 juin 2015