Les éditions Fayard ont réédité en 1991 quatre romans noirs de Jean Vautrin sous la forme d'un gros pavé de plus de 800 pages.
"Billy-ze-Kick", "Bloody Mary", "Groom" et "Canicule" avaient été publiés initialement entre 1974 et 1982 chez Gallimard et Mazarine.
En 2011, Robert Laffont a réédité l'ouvrage sans "Groom" et augmenté de deux autres titres, "L'Homme qui assassinait sa vie" et "Le roi des ordures"
Les cinq ans qui séparent "Billy-ze-Kick" de "Bloody Mary" n'affectent en rien l'impression de continuité que ces deux romans entretiennent avec "Groom" pour former ce qu'on appellerait, aujourd'hui, une trilogie noire sur le thème des grands ensembles. En épilogue, "Canicule" est un roman de saison qui nous entraîne dans une Beauce où la violence va se déchaîner aux trousses de Jimmy Cobb, le fuyard américain perdu dans cette "plaine de solitude immense".
Dans toutes ces histoires, les mômes ont un rôle de premier plan. Zulie-Berthe, dans "Billy-ze-Kick", est une petite fille de 7 ans qui doit sans doute beaucoup à Queneau et davantage encore au pessimisme tendre de Vautrin. Son papa est inspecteur de police et lui invente des histoires qui auront la fâcheuse tendance de se réaliser. Butch Cassidy, dans "Bloody Mary", est un sale gosse, témoin d'un meurtre. Il tient l'assassin sous sa coupe. Bloody Mary, elle-même, épouse d'un flic épris d'ordre, est à la fois femme et enfant. Haïm, le héros de "Groom", a beau être un adulte, c'est dans la peau d'un gamin de douze ans qu'il vit sa vraie vie de groom à l'hôtel Algonquin. Pour échapper à l'enfer des cubes de béton, ces mômes délirent et la réalité ne les rattrape que par le crime.
Le commissaire Bellanger, seul flic humain du paysage, s'absente au début de "Billy-ze-Kick" et de "Bloody Mary" et ne réapparaît qu'aux toutes dernières pages, sans avoir joué de rôle décisif dans l'intrigue. Le noir lyrique de Vautrin s'émiette dans la grisaille minérale des cités. Comme le dit Gérard Mordillat dans la préface: "La littérature moderne, c'est ça."
Romans noirs – Jean vautrin – Préface de Gérard Mordillat – Fayard (1991) – 848 pages – 23,40€ - ***
Romans noirs – Jean Vautrin – Robert Laffont (2011) – 1066 pages – 30,50€ - ***
Lionel Germain – d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche – 1er septembre 1991