Pour présenter son roman sur une chaîne de radio, Jérôme Leroy a utilisé le mot "dystopie", qui est à l'utopie ce que le cauchemar est au rêve. Nous voilà donc averti par l'auteur lui-même que ce récit de la conquête du pouvoir par le Bloc Patriotique, un parti d'extrême droite plus vrai que nature, n'engage que sa vision désespérée du monde.
La précision n'est pas inutile pour le lecteur peu à peu happé dans le piège d'une écriture au premier degré, où la violence et la rage des deux narrateurs (l'un, Antoine, écrivain, intellectuel du parti et compagnon d'Agnès, la fille du Président, l'autre, Stanko, homme des basses œuvres et ami fidèle) se déploient le temps d'une nuit, celle où leur avenir se joue.
Condamnation à mort pour Stanko qui représente tout ce que le Bloc cherche à oublier pour réussir sa reconversion en parti de gouvernement, reniement pour Antoine qui analyse son parcours et s'avoue condamné "au fascisme à cause d'un sexe de fille."
A la différence de la journaliste Anne Tristan en immersion au Front National à la fin des années quatre-vingt pour mieux comprendre les phénomènes d'adhésion à l'extrême droite, Jérôme Leroy travaille l'imaginaire et ne propose aucun réquisitoire. Le "Je" terrifiant de Stanko nous enchaîne à sa perte tandis qu'Antoine tutoie son double et nous renvoie à la porosité tragique des idéologies. Finalement, le roman ne fait jamais courir aucun risque au lecteur. Son plaisir secret niche au détour d'un refrain du Big Bazar qu'on peut redécouvrir sur le blog de Jérôme Leroy:
"Pour qui t'as de l'antipathie,
Les gentils.
Pour qui t'as un gros penchant,
Les méchants."
Le Bloc – Jérôme Leroy – Folio policier Gallimard – 336 pages – 7,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 6 novembre 2011