Jérôme Leroy poursuit sa chronique d'une fin de système, celui qui s'est constitué sur les décombres de la Deuxième Guerre mondiale: un régime fort protégé par les institutions gaullistes. On connaît les officines comme le SAC, Service d'Action Civique dont le rapport avec la morale républicaine était plutôt distendu, voilà l'Unité fictive de Jérôme Leroy, beaucoup plus terrifiante, et dont "l'État profond" dissimule une organisation secrète désormais indépendante du pouvoir politique élu.
Avec une partie du personnel imaginé dans "Le Bloc", on assiste aux dernières cabrioles d'un tueur et à la chorégraphie macabre à laquelle il est condamné pour échapper à son propre "effacement". Un écrivain va lui servir de caution en recueillant les abominations commises par ses persécuteurs.
Dans ce marigot crépusculaire, Jérôme Leroy s'attache à décrire un beau personnage de femme, d'origine africaine et issue des "quartiers".
Symbole des vertus de l'intégration à la française, elle est devenue ministre, et c'est bien-sûr le sens de ce destin exemplaire que l'auteur interroge tandis que l'extrême-droite se rapproche de plus en plus de la réalité du pouvoir.
La crainte de lire un remake du Bloc se dissipe assez vite. Jérôme Leroy réussit son portrait de "tueur-ange-gardien", le portrait d'un homme dévoré par ses propres crimes, incapable de compassion, et que seul un vertige sensuel maintient provisoirement en apesanteur au-dessus du vide.
L'ange gardien – Jérôme Leroy – Série noire Gallimard – 332 pages – 18,90€ - ***
Lionel Germain