Alper Kamu n'a pas écrit "L'étranger" ni "Le mythe de Sisyphe", et pour cause, c'est un môme des quartiers d'Istanbul. Pas tout à fait comme les autres, il faut le dire, puisque l'écrivain turc Alper Canigüz en a fait un surdoué en culottes courtes, teigneux et capable de se poser les bonnes questions sur la mort d'Hicabi Bey, un policier à la retraite.
Lucide sur les bouffons qui perdent leur temps en maternelle, il boit de la bière, lit de gros bouquins mais n'a qu'un flingue en plastique pour affronter les vrais méchants. Les adultes sont évidemment effarés par l'à-plomb d'un gamin de cinq ans "qui raconte autant de salades" seulement deux semaines après avoir appris que les filles ne pissaient pas par les fesses.
Voilà une vraie découverte, une de plus devrait-on dire, que l'on doit aux éditions Mirobole, jeune enseigne bordelaise qui s'est signalée par son flair en proposant dans son catalogue le Polonais Zygmunt Miloszewski ou la Danoise Inger Wolf dont on réédite en Folio le premier polar, "Nid de Guêpes".
Associant psychanalyse, érudition littéraire et sagesse philosophique, Alper est un super-héros doté d'un double fictif particulièrement efficace pour échapper à la médiocrité du bac à sable. Ses prouesses déductives auraient pu en faire un monstre froid, ce qu'Alper Canigüz a su éviter en lui conservant l'impertinence de son âge face à la curiosité du monde. Réjouissant.
L'assassin d'Hicabi Bey – Alper Canigüz – Traduit du turc par Celin Vuraker – Mirobole éditions – 256 pages – 20€ - ***
Lionel Germain