Qu'est-ce qui fait courir David Peace? A-t-il réellement cru à une époque que le tueur du Yorkshire était son père? Si oui, cela pourrait expliquer cette proximité revendiquée avec James Ellroy. Après sa tétralogie sur le Yorkshire qu'on a comparée au travail de l'Américain sur Los Angeles, David Peace a réglé encore quelques comptes avec l'Angleterre Thatchérienne dans "G.B.84" (Rivages) avant de s'attaquer à un nouveau cycle sur le Japon, pays où il vit depuis plus d'une dizaine d'années.
Tokyo Année zéro, c'est la chronique hallucinée d'un clap de fin. Un mauvais nuage sur Hiroshima, la fin du monde, des survivants qui s'interrogent sur les raisons d'être encore là, hébétés dans les décombres d'une splendeur impériale. Une musique obsessionnelle, répétitive, qui bourdonne dans les tuyaux bouchés d'un orgue de barbarie. Au cœur de ce crépuscule jonché de cadavres, un flic enquête sur une série de meurtres de jeunes filles. L'homme n'est lui-même qu'un sursitaire, il titube à la recherche d'un assassin, l'âme encombrée de ses propres reniements.
Cette écriture paroxystique ne faiblit pas de la première à la dernière page. C'est la force et la faiblesse d'un roman tendu à l'extrême, avec un tempo qui menace non pas l'auteur mais le lecteur de manquer de souffle.
Tokyo Année zéro - David Peace - Rivages-noir - 512 pages – 10,65€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – mars 2008