Jean Michelin est écrivain. Il est aussi officier dans l'armée française, mais ce n'est pas un soldat qui écrit, c'est un écrivain qui a fait la guerre. Oublions les grands anciens auxquels l'auteur rend hommage, Genevoix bien-sûr, ou même Guilloux dans le "Sang noir" dont le regard critique n'a rien perdu de sa force quand il dit que "Cripure aimait son pays, (…) Mais enfin, cet amour de la patrie, il ne fallait pas le confondre (…) avec l'amour des militaires, ou comme tant d'autres, avec l'amour de la mort."
Plus proche des Américains du roman noir, Jean Michelin n'interroge pas la légitimité des conflits mais leurs conséquences sur les hommes. Après Jonquille, le récit du départ d'Afghanistan en 2012 où le romancier pointait déjà sa plume par cette qualité rare d'empathie pour ses personnages, "Ceux qui restent" met en scène une poignée de sous-officiers et un jeune lieutenant à la recherche d'un "déserteur", un frère d'armes avec lequel ils ont partagé le deuil d'un autre soldat en "opération".
La forêt guyanaise en point
de mire nous invite peu à peu loin du fracas des armes à retrouver les accents
sombres de Conrad revisité par Coppola. Ponctuée de flash-back dans la lumière
brûlante du "théâtre des opérations", la traque affectueuse renvoie
le petit groupe à ses propres faiblesses. Chacun vit le stress post-traumatique à sa façon mais Jean-Michelin excelle surtout à nous parler d'amour, de fraternité, de racisme, et peut-être de trahison.
Ceux qui restent – Jean Michelin – Éditions Héloïse d'Ormesson – 240 pages – 19€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain
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