Toucher le pactole est un rêve entretenu par tous les lobbies des jeux de hasard même si le Pactole de la légende se révèle en fait comme le fleuve du renoncement pour Midas. Dans le dernier roman de Joseph Incardona, cette aspiration à la fortune se paie d'une abdication radicale. Anna, une jeune femme qui n'a pas grand-chose à part son fils Léo, a tout perdu après un accident.
Son camion-rôtissoire dans le fossé, elle n'a plus que des dettes et le mirage des 50 000 euros à gagner dans un jeu télévisé. La cruauté du monde suit le cycles des crises, des dépressions qui se creusent au large de nos périodes fastes, et on retrouve dans "Les corps solides" le désespoir des marathoniens de la danse de "On achève bien les chevaux" décrits par Horace McCoy. Chômeurs, paumés, marginaux, ils sont plusieurs avec Anna sous les projecteurs à poser la main sur cette voiture qu'il ne faudra plus lâcher sous peine d'être éliminé.
L'absurdité a un sens, la souffrance est un spectacle, les âmes sont à vendre, et le marché est féroce. Un peu plus loin, il y a l'océan, le surf pour Léo, et cette idée que seule une âme bien trempée peut renaître.
Les corps solides – Joseph Incardona – Finitude – 272 pages – 22€ – ***
Lionel Germain
Lionel Germain
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