Une double ambigüité sous l'apparence d'une double peine constitue l'argument principal du roman de Laura Lippman. Commençons par la double peine. Aux États-Unis, qu'y-a-t-il de plus injuste dans les années soixante que le statut des femmes? Le statut des femmes noires, bien-sûr.
Avec Maddie, son héroïne, l'autrice nous raconte le destin d'une femme au foyer frustrée qui réussit sa reconversion dans la presse misogyne jusqu'à devenir, vingt ans plus tard, finaliste du Pulitzer. Maddie est blanche et c'est en enquêtant sur la mort d'une femme noire qu'elle va conquérir ses galons.
Double ambigüité parce que le roman offre en miroir les étapes d'un parcours aux ambitions étrangères à tout militantisme. Et c'est, privé du surplomb moralisateur de l'autrice, le récit d'une émancipation contrainte par une société patriarcale. Enrichie d'une vision du monde accordée à tous les seconds rôles, la narration de Laura Lippman ne se trompe jamais sur ses personnages.
Lionel Germain