De "Fight Club" à "Orgasme", Chuck Palahniuk nous plante au carrefour désespérant du crépuscule consumériste et du trop-plein des frustrations. L'ébullition schizophrénique de "Fight-Club", la conquête des vagins vides dans "Orgasme", ancrées sur un réel exacerbé, dérapent vers le fantastique sans jamais pourtant se réduire à ce seul repérage. Il y a quelque chose d'indéterminé chez Palahniuk.
Prononcez Paula-Nick, les prénoms des grands parents d'origine ukrainienne. Le Nick des origines a assassiné Paula pour une embrouille sur le prix des machines à coudre. Le père de Chuck avait trois ans et observait la scène depuis son refuge sous le lit. Quant aux parents de Chuck, ils ont divorcé assez tôt pour le laisser dans une ferme avec la branche maternelle des anciens. Il y aura croisé les animaux de la fable, humains sans doute mais dans l'allégorie.
"Orgasme" commence façon "chick lit" avec la rencontre entre Penny, juriste un peu cruche, et Linus Maxwell, l'homme au compte en banque le plus séduisant de la planète. C'est le patron de "Beautiful You" et l'inventeur d'un sex-toy pour lequel Penny servira de cobaye. Voilà de quoi vider le lit des hommes et assombrir l'humeur des démographes. La bluette ne tarde pas à virer au cauchemar. "C'était comme Sex and the City, sauf que les quatre filles n'avaient plus besoin de ceintures Gucci ni d'amants encombrants."
Anticipation sociale, fantastique, roman noir, science-fiction, le magicien des lumières biseautées nous entraîne aux confins d'une absurdité dont les conséquences sont beaucoup moins roses que la jaquette du livre.
Orgasme – Chuck Palahniuk – Traduit de l'américain par Clément Baudie – Sonatine – 359 pages – 18€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 3 avril 2016