Jean-Denis Bruet-Ferreol s'est exilé derrière sa créature. Et dans ce dernier roman de Mallock, Ockham, empruntant son nom au moine logicien du quatorzième siècle, est la nouvelle figure du mal. La Joconde, exfiltrée comme en 1911 depuis sa forteresse du Louvres sera sa première cible. Bientôt suivront de macabres colis accompagnés de messages à décrypter. Malgré le principe de parcimonie affiché, Ockham en rajoute dans l'horreur, mitonnant pour Mallock de sinistres garbures.
Le monstre s'est bricolé une mythologie en patchwork à base de polichinelle et de dieu à tête de faucon. Ses obsessions nous rappellent les raisons d'un désastre programmé. Journalistes aux ordres, politiciens corrompus, philosophes trop bavards, l'inflation des indésirables est proportionnelle à l'ambition du crime et au refoulé de la Seine prête à dégueuler sa crue centennale dans les rues de Paris. Comme à chaque fois qu'un roman nous offre des victimes haïssables, on se reproche de jouir du sacrifice.
Entre deux bouffées d'opium, Mallock renoue avec ses propres fantômes, les grands absents de sa vie, sa femme et son fils. Trop de morts, trop de remords. Parfois grinçant et très critique envers les "institutions" en général, flic atrabilaire et de plus en plus misanthrope, Mallock est bien le héros des "chroniques barbares" dans lesquelles on annonce la couleur en panachant le noir d'un filet de ciel bleu. Non sans un certain lyrisme aussi pour nous mener du simple au trouble.
Le Principe de parcimonie – Mallock – Fleuve noir – 464 pages – 14,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 20 mars 2016