Dans le divertissement télévisé, au cinéma et en littérature, il y a une réelle fascination pour les situations extrêmes auxquelles on confronte les amateurs de sensations fortes ou les héros de fiction. On peut interpréter le phénomène de plusieurs façons, triviale sans doute avec la part de voyeurisme que sollicite en permanence le marketing de l'industrie du loisir, idéologique dans tous les cas et de manière paradoxale quand se croisent les survivalistes et les libertaires.
On pense au "Revenant", roman de Michael Punke, et film dans lequel s'illustre Di Caprio. Le courant identitaire des survivalistes en a fait l'emblème de son obsession catastrophiste là ou d'autres y trouvent les grands principes tragiques qui gouvernent les hommes, vengeance et rédemption, magnifiés par un rapport pour le moins compliqué avec les éléments naturels.
Gil Adamson a mis dix ans à écrire ce roman éblouissant où Mary Bolton, jeune veuve de 19 ans, fuit dans les espaces glacés du Grand Nord canadien avec à ses trousses les deux frères du mari qu'elle a assassiné. On est en 1903, Mary ne doit pas sa survie à un entraînement militaire. Elle a aux fesses deux types qui veulent sa peau mais elle ne se résout pas à la reddition malgré l'environnement hostile.
Les hommes ont peur d'une femme libre, la nature ne fait pas de cadeaux, et pourtant, dans cette cavale insensée, Mary est amoureuse, Mary affronte les hommes, Mary fait de sa liberté une conquête. En dépit du froid qui mord les reins de son héroïne, ce petit chef-d'œuvre de Gil Adamson ne doit rien à l'air du temps.
La Veuve – Gil Adamson – Traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné – Bourgois – 420 pages – 20€ - ****
Lionel Germain