La grande saga de fantasy de notre temps, peut-être est-elle en train de s’écrire sous nos yeux. Tolkien et Lewis n’ont trouvé un public que sur le tard – et encore Le Seigneur des anneaux ou Les mondes de Narnia n’étaient-ils pas conçus d’abord pour des adolescents…
George R. R. Martin écrit pour ses contemporains. Même si son propos semble décalé – il invoque le patronage des Rois maudits de Maurice Druon ou la guerre des deux roses magnifiée par Shakespeare, mais il doit beaucoup aussi au space-opera baroque de Jack Vance – c’est un peu d’aujourd’hui qu’il nous parle: son univers médiéval qui vit sous la menace d’un changement climatique radical connaît à sa manière une embellie sur le plan des arts et des sciences, et le paganisme diffus et sceptique qui y prévaut nous renvoie à notre monde sécularisé où le religieux est banalisé avec condescendance; on ne croit plus aux dragons, et les légendes qui courent encore sur les horreurs sans nom dont le Nord serait le théâtre, par-delà l’immense Mur de glace censé protéger la civilisation, en font rire plus d’un.
Mais l’hiver vient, et l’ennemi n’a pas le visage qu’on attend de ce côté-ci des choses. Avec cette véritable épopée riche maintenant de plusieurs milliers de pages, entreprise voici 15 ans, Martin compose une "fantasy" majeure, à hauteur d’homme et non plus d’elfe, sans manichéisme aucun, sans trop d’espérance non plus: comme un écho fantasmé de nos hantises?
Les Dragons de Meereen (Le Trône de fer 14) - George R. R. Martin – Traduit de l’américain par Patrick Marcel - Pygmalion – 450 pages – 19,90€ -
Le Trône de Fer 1 est réédité chez le même éditeur - 980 pages – 22,90 € (26 septembre 2012) - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 16 septembre 2012