De Roger Martin, on se souvient qu'il a débuté au milieu des années quatre-vingts avec une fiction sur le Klu-Klux-Klan. Il n'a cessé depuis de pointer les connivences d'une certaine bourgeoisie blanche avec l'idéologie raciste du sud des États-Unis et la fascination du "roman noir" français pour le Montana, par exemple, qu'il illustre dans sa BD "Les milices du Montana". Récemment, on lui a décerné trois prix pour "Jusqu'à ce que mort s'en suive" publié au Cherche-Midi. Une enquête passionnante sur l'apartheid américain au cœur des forces armées en 1944.
Toute aussi passionnante que cette nouvelle incursion mouvementée dans un Paris de "guerre civile" au début du siècle dernier. Avec Jérôme Leroy, Didier Daeninckx ou même Pierre Lemaître, Roger Martin considère l'Histoire comme un territoire à déchiffrer en renonçant parfois aux évidences trop complaisamment relayées. Se plonger dans les archives, retrouver les notes secrètes, n'inventer que le médiateur autorisé à endosser le sale boulot de briseur de mythes, voilà la méthode.
L'invention se résume à quelques silhouettes et au personnage de Romain Delorme, flic infiltré dans les marécages de l'extrême-droite antisémite. De l'Affaire Dreyfus à la capitulation de Vichy, on assiste à la genèse de "la France aux Français", des cris de haine devant les synagogues. On découvre les persécutions et les menaces dont Zola fut victime et les conditions assez confuses de sa mort qui accréditent la thèse de l'assassinat maquillé en accident. Un sourire pourtant à la mort du Président Faure en 1899 dans les bras de sa maîtresse, le commentaire de Clémenceau: "Il voulait être César, il ne fut que Pompée". Où comment naissent les Pompes funèbres.
Il est des morts qu'il faut qu'on tue – Roger Martin – Cherche-Midi – 544 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 13 mars 2016