"Je me contente du superflu. Le nihilisme romantique de mes vingt ans a viré au minéral. Il n'y a pas de guérison possible, et surtout je n'en veux pas. J'avance en rond, les poings dans mes rêves crevés."
Tel se présente Henri Davezac, le personnage central de "Nuit Apache". Ce court extrait donne également la tonalité du premier roman dans la Série noire de Patrick Mosconi. Lui qui avait découvert les meilleurs parmi les auteurs français de polars, n'avait jusqu'alors jamais rien publié chez Gallimard.
"Nuit Apache" nous raconte l'histoire d'une vengeance. Un retour de mémoire qui combine les "événements" d'Algérie à la vie privée tourmentée d'une jeune fille au sang mêlé, Salima Kader. Méprisant la mise en garde de Lew Archer, le privé de Ross McDonald, qui conseille de ne jamais coucher "avec une fille qui est dans de plus sales draps que vous", Henri Davezac, enseignant reconverti scénariste, va se transformer en assistant-réalisateur de son propre drame.
La voix-off en surplomb au-dessus de l'intrigue est celle de Patrick Mosconi. Le scénario à dormir debout sous la pleine lune puise sa substance dans les petites bouffées de rage froide que l'auteur diffuse avec élégance. Nostalgie d'une époque où "la Gauche apprenait le travail de la droite, où le sida n'était pas encore un fléau", où l'aventure de l'esprit n'avait pas sombré dans l'esprit d'aventure caporalisé par les groupuscules. Bref, daté, cent pour cent français, mais passionnant.
Nuit Apache – Patrick Mosconi – Série noire Gallimard N° 2241 (1990) – Folio – 240 pages – 6,40 - ***
Lionel Germain – d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche