De "La Môme vert-de-gris" de Peter Cheyney à "La Dame du Lac" de Raymond Chandler, les huit premiers numéros de la Série Noire furent brochés sous une couverture noire et jaune qui deviendra cartonnée par la suite. En 1958, José Giovanni inaugure avec "Le deuxième souffle" une nouvelle présentation. On revient à la forme brochée en convertissant le jaune en liseré blanc sur fond noir. C'est grosso modo cette formule du "deuxième souffle" qu'avaient choisi les nouveaux stratèges de la collection en 1991 avec l'arrivée de Patrick Raynal. Mais attention, un souffle dévastateur anime les deux cent cinquante pages de ce numéro 2288.
Dans la lignée du "Londres-Express" de Peter Loughran ou de "La bouffe est chouette à Fatchakulla!" de Ned Crabb, "Cosmix banditos" est un roman inqualifiable. Son auteur, A.C.Weisbecker nous prévient en dernière page qu'on ne sait pas grand chose de lui et qu'il souhaite en rester là. L'ouvrage traduit de l'américain aurait été écrit en 1986 mais l'édition française ne comporte aucune référence de l'éditeur original. Le traducteur, Richard Matas, est aussi un écrivain qui avait délivré ses propres "Folies douces" chez Actes-Sud, (ouvrage réédité en Série noire en 1993). Sachant que Patrick Raynal n'était pas ennemi des canulars, le doute était permis. Avec Internet, les mystères se dissipent et aujourd'hui on sait que Weisbecker est un véritable écrivain scénariste et surfeur.
"Cosmix banditos" est une virée orgiaque à travers la théorie des quanta élaborée par Planck au début du siècle. Un gringo halluciné poursuivi par tous les flics du monde pour une multitude de trafics, un chien victime d'aérophagie et un bandito sonné par l'abus de mescal s'approprient une interprétation de la Réalité Sous-Jacente (les majuscules sont de rigueur) qui les pousse à retrouver la trace d'un astrophysicien et de sa fille précédemment arnaqués par le bandito.
Cette quête du Graal ponctuée de tirs de mitrailleuses et d'explosions de grenade n'est farfelue qu'en apparence. Pareils aux électrons dont on peut seulement évaluer la probabilité qu'ils ont d'être ici plutôt que là, les banditos n'obéissent pas au déterminisme absolu de la physique classique. Leur escapade est un pied de nez continuel à la logique romanesque. Le principal, c'est que bombardé de particules sub-atomiques plus réjouissantes les unes que les autres, le lecteur, lui, est ravi.
Cosmix Banditos – A.C. Weisbecker – Traduit de l'américain par Richard Matas – Série noire 2288 – Folio policier – 304 pages – 8€ - **
Lionel Germain – d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche - mars 1992