"Le shérif Gains a l'air d'un bout de bois sculpté qu'on a laissé sous la pluie. (…) il émane de lui une odeur de forêt, toute de résine et de feu de bois, qui, obscurément, lui donne l'air d'un vieillard."
Le roman d'Anna Bailey emprunte son titre original et ses fragrances à un coin perdu d'Amérique, les Tall Bones du Colorado. Alors que la nuit s'apprête à napper les bois de ses ombres, la jeune Abigail s'échappe du feu de camp autour duquel dansent et s'amusent les lycéens. Il y a l'alcool, les rires et les coyotes qui rôdent. Sa disparition après un dernier regard à son amie Emma entrouvre les portes de l'enceinte familiale où le père fait régner une loi violente.
Anna Bailey qui a vécu dans une petite communauté religieuse du Colorado, exsude la substance toxique de ces bourgades rurales. Homosexualité, marginalité sociale: derrière les prêches compassionnels du pasteur de l'église baptiste se fomentent les projets d'exclusion, et sous la plume talentueuse de cette jeune autrice, les paysages bucoliques se chargent soudain des humeurs de l'automne pour féconder haine et rancœur.
Une pluie de septembre – Anna Bailey – Traduit de l'anglais par Héloïse Esquié – Sonatine – 408 pages – 21€ - ***
Lionel Germain
Lionel Germain
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