Bellacosa, dénicheur indépendant d'engins de chantier arpente un comté imaginaire du Texas où bruissent les rumeurs des mafias mexicaines. Notamment celle concernant la mort d'El Gordo Pacheco, mafieux de légende dévoré par ses autruches après avoir réussi l'exploit de ressusciter le dodo de Maurice, un oiseau emblématique de l'île disparu au seizième siècle. Avec Fernando A. Flores, on se croirait dans un cauchemar imaginé par Raymond Roussel. Son Amérique ne nous surprend que par un effet de loupe sur les monstruosités en gestation autour de nous.
La dernière frontière enferme le Rio Grande entre deux murs. Le règne des cartels accompagne celui de toutes les corruptions dont les scientifiques paient le prix, condamnés à reprogrammer la faune en laboratoire, comme ce cochontruffe aux larmes de lait, totem d'une tribu elle-même exterminée.
Il est peut-être superflu de convoquer le "réalisme magique" dès qu'un auteur d'origine sud-américaine mêle des éléments fantastiques à une intrigue où l'anticipation sert à grossir le trait de nos frayeurs contemporaines.
Mais Fernando A. Flores, poète et libraire d'origine mexicaine installé aux États-Unis, adopte une neutralité narrative très efficace pour donner du crédit à cette réinvention du monde.
Les larmes du cochontruffe – Fernando A. Flores – Traduit de l'américain par Paul Durant – Gallimard La Noire – 322 pages – 20€ - ****
Lionel Germain
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