Elle s'appelle Laurence. Et même si on est certain que tout finira par se réduire aux quatre lignes d'un fait divers, Sophie Loubière construit son intrigue pour endiguer l'effroi qui nous saisit et le ramener à la source, là où se cristallisent les interprétations parfois morbides de l'enfant. Chahutée cruellement par son frère, abusée semble-t-il par son père, ignorée par sa mère, Laurence devenue obèse cherche une première rédemption dans le sport avant de trouver un emploi de croupière au casino.
Sa rencontre avec un médecin victime de ses propres addictions va décider d'un destin où proie et chasseur ne sont pas forcément assignés aux places traditionnelles. "En exploitant ce fait divers, j'ai souhaité interroger la fragilisation mentale que peut engendrer l'isolement d'un individu, qu'il soit le fait d'un manque de lien parental, scolaire, social, ou d'une absence de communication au sein d'un couple."
On peut parler de "thriller" psychologique puisque le suspense autour du personnage principal verrouille notre attention sans jamais fournir de réponse à sa complexité mais c'est surtout l'un des romans les plus troublants de cette rentrée littéraire. En majeure partie grâce au style élégant et juste de l'auteure, à son talent enfin pour brouiller toutes les pistes sur lesquelles le lecteur se sera fourvoyé.
Cinq cartes brûlées - Sophie Loubière – Fleuve noir – 352 pages – 17,90€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 12 janvier 2020Lire aussi dans Sud-Ouest